7 juin 2012
RETOUR AUX SOURCES
- En fait, papy, vous n'avez pas cohabité longtemps avec ta grand-mère.
- En effet, après quatre années environ, nous sommes retournés dans la maison de ma naissance. Mon grand-père y habitait avec mon oncle et sa femme. Il avait 69 ans. J'ignore s'il exploitait encore sa ferme. Mais, poussé dans le dos par ma tante qui voulait retourner "chez elle", il suivit le couple à Bassilly. C'est ainsi que mon père reprit la ferme.
- Comment as-tu vécu ce changement d'horizon ?
- Sans problème. C'était une nouvelle façon de vivre, dans un endroit bucolique à souhait. Et surtout, mon rêve, nous héritions d'un chien.
- A ce propos, je crois savoir que ta joie fut de courte durée.
- En effet, la bête était enfermée dans un chenil. Je la nourrissais personnellement. Un matin, la porte du chenil était ouverte : plus de chien. Mon père me dit : tu as mal fermé la porte, le chien s'est enfui. En fait, il avait été donné. Trop cher à nourrir sans doute.
- Il n'empêche, te culpabiliser ce n'était pas beau. Et en te privant d'un plaisir en plus.
- C'était pour le moins maladroit. Bon, passons. Je vais te narrer des tranches de vie. Bien sûr, pas dans l'ordre chronologique. Certaines, tu verras, ne manquent pas de piquant. Les poules, par exemple, mouraient souvent de vieillesse. Le "stock" se renouvelait par la couvaison. Les coqs terminaient leur carrière dans la casserole. Quand je trouvais le cadavre d'une poule, je l'enterrais sous le noyer. Je clouais deux bouts de lattte en croix que je plaçais sur la "tombe". Après un certain temps, cela faisait un petit cimetière. Le jour où mon père s'en aperçut, il n'a pas apprécié. Il arracha les croix, les jetant violemment au sol, non sans m'invectiver. Il faut croire que la symbolique de la chose ne l'agréait pas.
- A propos de coqs, comment es-tu devenu exécuteur ? Etais-tu vraiment cruel ?
- Pas du tout, je me considérais comme un justicier. Je choisissais le chef de bande, celui qui battait ses rivaux. Bien sûr, le lendemain il y avait un nouveau dominant. De quoi alimenter ma soif de justice.
- Comment procédais-tu à la capture ?
- J'isolais la future victime du groupe. Quand elle s'enfuyait je lui courais derrière et, in fine, je me laissais tomber dessus. Ma "vitesse de pointe" et mon souffle étaient supérieurs aux siens.
- N'aurais-tu pas une histoire de rat en stock ?
- Si, et cela fut une chose extraordinaire. En annexe au poulailler il y avait un petit bâtiment où étaient placés les pondoirs. J'étais chargé du ramassage des oeufs. J'avais huit ou neuf ans à l'époque. Entrant dans la pièce, je suis interpellé par des ronflements particulièrement bruyants. Bizarre ! Je m'approche et je vois dans un nichoir un rat, repu sans doute, profondément endormi. Même le bruit de mes sabots ne l'avait pas alerté. Evidemment, c'est mon père appelé en renfort qui le trucida avec un bâton.
- Tu n'as plus rien en magasin ?
- Je ne vois plus rien pour l'instant. Je vais y réfléchir. Sans doute trouverai-je l'occasion de parler de ma vie de tous les jours sans recourir nécessairement à l'anecdote.
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